Mes premiers 1000 mètres depuis des semaines

Après six semaines sans montagne pour cause de blessure, j'ai l'impression d'avoir raté quelque chose. Première surprise, sur un de mes parcours forestiers préférés, je tombe sur un parterre de jonquilles. Les arbres sont en train de se couvrir de jeunes feuilles, tout reverdit: quelle différence avec le tout début du mois de mars! D'un coup, d'un seul, je découvre que c'est le printemps.

Il est temps que je m'y remette: dans moins de trois mois, un sacré morceau de trail m'attend. Et ce n'est pas gagné d'avance car, cette côte que je franchissais presqu'en bondissant, voilà que je l'attaque d'un pas lent, soufflant fort, exténuée. Puisque c'est comme ça, je décide de changer la sortie prévue pour une montée en mode rando: il faut que je m'y remette, aux bosses. Par une journée pluvieuse-mais-ça-va-vers-le-beau, j'attrape mon sac, mes bâtons et j'y vais.

Tournant le dos au lac, c'est parti pour mes premiers 1000 mètres de dénivelée depuis ce qui me semble des siècles. Sur le bas du parcours, j'emprunte ce qui était jadis mon chemin d'école lorsque j'étais ado, le long d'une rivière. Voilà des années que je ne suis pas passée dans le coin. Les bouts de chemins qui par hasard ont échappé au bitume sont désormais devenus... une piste vita. Quelques immeubles et villas ont poussé, mais le tracé reste assez bucolique. Je trottine, dans le ciel une éclaircie, tout va bien.

Un espace de liberté plus vaste 


Arrivée aux confins de mon monde de promenades d'alors, je me fais la réflexion que les distances se sont considérablement raccourcies depuis quelques années. A l'époque, jamais je n'aurais envisagé m'aligner sur des courses comme ces tarés qui font Morat-Fribourg et encore moins un marathon (les courses de montagne, on n'en parle même pas). Ce qui me paraissait alors un immense espace de liberté était somme toute relativement restreint... ou alors je l'ai considérablement agrandi: fait bon vieillir! ;-)

 Première petite ascension à travers les vignes. Je débarque devant une jolie maison de maître qui est... un restaurant étoilé. J'éclate de rire en me disant "pas mal, le ravito". Je traverse un quartier de villas où je manque de me faire renverser par un SUV et où des gens me lancent des regards méfiants, du genre "qui c'est celle-ci, elle habite pas ici". Je croise un ou deux coureurs qui me saluent gentiment. Ils ont 20 ans au grand maximum et ils ont l'air tout étonné de voir une vétéran trotter dans leur coin sur un faux-plat montant.

La véritable ascension commence, d'abord sur une route le long de laquelle les voitures garées ont une des plus belles vues du monde puis, enfin, sur des chemins de terre. Je déplie mes bâtons. J'ai le souffle très court, pourtant je ne vais pas vite. C'est dur, mais je prends plaisir à cette ascension, à croquer du dénivelé. Mon pied réagit relativement bien, même si la proprioception n'est pas encore au top. Je suis ravie de me retrouver dans la nature, je me gave de chants d'oiseau et du paysage qui m'entoure et qui verdit à vue d'oeil.

La seule chose qui me dérange est l'aménagement du sentier, qui n'a plus grand'chose d'un sentier de terre. Il a été bardé de bois, de manière à en faire une sorte de grand escalier. C'est très bien pour un entraînement de force, du style "lève les pieds", mais ça casse un peu la fluidité de l'ascension.

Crocus et ravito

Mes états internes passent par "en juillet, je n'y arriverai jamais", "profite du moment présent", "comme c'est beau"... Il faut dire que c'est quasiment l'extase lorsque j'arrive dans un champ de crocus. C'est tout blanc et mauve. Je veux une robe comme ça!

Dernièrement, j'ai pris conscience que je ne m'alimente pas assez en course et en rando, du moins sur le long. Ou plutôt, j'ai pris conscience qu'il serait temps d'y remédier. Jusqu'ici je me contentais parfaitement de me sous-alimenter durant une journée ou deux, voire trois. Mais j'ai fini par comprendre que si je ne changeais pas mes habitudes, je ferais long feu sur un trail de 61 km parcouru à allure d'escargote.

On ne change toutefois pas ses habitudes d'une semaine à l'autre. Question liquide (non alcoolisé), je sais que je bois insuffisamment, même si c'est déjà mieux. Question solide en revanche, je me décerne la médaille du progrès car je m'alimente par petites bouchées dès les 30 premières minutes (allez, 45) de rando-course. Un biberli entier y passe (pain d'épices fourré aux amandes).


Soudain, je me rends compte que je débarque dans un champ de futurs narcisses. Certains atteignent déjà quasi la moitié de leur hauteur. Je fais donc bien attention à ne pas les piétiner et me rapproche de la forêt pour éviter les fleurs autant que faire se peut. Je ralentis, ça tombe bien car la vue est magnifique. C'est alors que je me fais dépasser par un traileur qui galope droit en haut, sans faire gaffe du tout à ce qu'il pourrait piétiner. Il me dépasse sans même dire bonjour. Je suis sciée et j'en viens à regretter le temps où les gens qui courent dans la montagne étaient rares et passaient pour de parfaits fadas. Comme dit mon physio/ kiné: "dans ces conditions, il ferait mieux de courir dans un fitness!"

Quant à moi, arrivée en haut, je me sens comme la reine du monde, et peu importe que ces 1000  mètres de dénivelée m'aient quasiment achevée. Je fais encore une mini boucle pour aller voir le panorama le long d'une petite crête, puis je décide que ça suffit comme ça et me pose sagement à la halte ferroviaire en contrebas. Non, cette fois je ne descendrai pas à pied.

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