Ueli Steck, vivre son rêve à en mourir

Ironie du sort, c'est quand je fais le moins de montagne pour cause de cheville foutue que j'apprends, dimanche avant d'aller bosser, la mort de Ueli Steck. Et depuis, une grosse tristesse poisseuse me colle aux semelles. C'est d'autant plus bizarre que je ne le connaissais même pas personnellement, Mr Swiss Machine. Et ce n'est pas non plus un modèle pour moi: avec mon gabarit et ma cylindrée, je revendique mon statut de deuche: lente mais increvable, comme la 2 CV, pas comme ce fou de vitesse! Alors quoi? 



Quand l'ovni Ueli Steck a débarqué, il y a eu les "pour" et les "contre". Moi, j'ai juste dit "Respect" car, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, ce type a révolutionné l'alpinisme en faisant des exploits hallucinants (du style que l'Eiger, moi je me contente de l'admirer en trottinant tranquillou mon Eiger Trail en moyenne montagne et en m'arrêtant pour prendre des photos). Et surtout, j'ai cherché à comprendre ce qu'il faisait. J'ai découvert ses préparations minutieuses, ses gestes mille fois répétés, sa discipline et sa passion. Accessoirement, c'est en le lisant que j'ai eu envie de me mettre au bloc.


Alors bien sûr, ce qu'il faisait était dangereux (je ne parle donc pas de l'escalade en salle). Mais il le faisait avec une telle assurance et une telle précision, que j'avais fini par croire qu'il ne tomberait pas, pas lui. D'autant plus que, dans de récentes interviews, il disait qu'il avait conscience que de grands noms de l'alpinisme étaient tombés vers la quarantaine, que c'était un tournant où le corps devenait moins explosif et le geste moins rapide qu'à 20 ans. Et pourtant.


J'accuse le choc aussi, car, certes, j'ai perdu des amis et des connaissances en montagne, mais Ueli Steck, c'est le premier alpiniste de légende de ma génération qui meurt là-haut. Stupide ou pas, c'est la prise de conscience que les meilleurs de ma génération meurent aussi, malgré leur préparation, malgré le matériel, malgré le fait qu'on est meilleurs que ceux qui nous ont précédés et que ceux qui nous suivent et... qu'on n'est  donc pas différents des autres.

Cher Ueli Steck, tu as inspiré et fait rêver des sportifs, des amoureux de la montagne de tous niveaux. Je me rappelle d'être arrivée en rampant quasiment sur un sommet près de chez moi, à bout de souffle et presque de forces, par un vent pas possible, en murmurant: "(juron), n'est pas Ueli Steck qui veut"... Tu as vécu avec passion et tu es allé au bout de tes rêves. Paix à ton âme qui ne devait pas être des plus paisibles. J'adresse aussi mes condoléances à ta femme et à tes proches qui t'aiment pour celui que tu étais et pas pour l'image que tu représentais.

Dans notre société du "no risk", on oublie parfois que vivre c'est dangereux en soi, puisqu'on finit tous par en mourir. 

Si par hasard, en chutant, tu t'es posé la question "Ai-je bien vécu?", tu auras probablement répondu "oui". Cette réponse, je souhaite à chacune et à chacun de pouvoir la formuler en rendant son dernier souffle...  et le plus tard possible. 

La vie est brève, faites-en bon usage.

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