Une Escargote à Genève: un 7e marathon qui fait mal aux pattes

Un marathon, ça se mérite. Et moi j'ai découvert à quel point lors de mon 7e 42 bornes et quelques. J'ai aussi pu vérifier l'hypothèse selon laquelle 3 mois d'entraînement c'est un peu court.
Rembobinons: depuis samedi, il pleut des cordes, mais dimanche, y a de l’amélioration dans l'air. La joyeuse équipe de CLM que je rejoins au train se fout de moi car j'ai un parapluie, accessoire pourtant indispensable. A Genève, je guide mon petit monde au bon arrêt de tram (ceux qui me connaissent savent que la probabilité de prendre un moyen de transport dans le mauvais sens s'accroît quand on voyage avec moi) et nous voici à la tente vestiaire. Je perds hélas les CLM lorsque mes tripes décident d'une visite urgente dans un confessionnal bleu.
Au départ, je retrouve plein de monde, dont Nicole qui hésitait à venir et que je suis si heureuse de voir. Elle terminera haut la main. On fait une photo avec l'équipe de l'action "Courir en bleu pour l'autisme" et nos beaux t-shirts estampillés "Je cours pour Autisme Genève". C'est d'ailleurs le 1er marathon d'Elvira, l'organisatrice, bravo! Je me mets dans mon sas de 4h30 mais c'est un temps indicatif. Avec mes 3 mois de préparation après des semaines compliquées, suite à un accident, je vise d'être finisher, point barre. Je suis à équidistance entre le ballon des 4h30 et celui des 5 heures, ça me va très bien.

Crac l'orteil


Le départ est donné, les élites s'envolent. On commence à avancer dans mon sas et un type qui se filme avec une perche à selfie, format lourd (le bonhomme, pas la perche) m'écrase l'orteil gauche. La douleur fuse, me coupe le souffle. J'ai tellement mal que je n'arrive même pas à insulter ce connard dont j'espère qu'il n'a pas terminé. Ne pas prendre le départ n'est pas une option même si ça fait un mal de chien. Je compte sur le fait que la douleur s'atténuera. Elle le fera au point de disparaître. Ce n'est qu'une fois franchie la ligne d'arrivée qu'elle se rappellera à mon bon souvenir.

Photo prise lors d'un footing de reconnaissance
C'est parti, j'y vais calmement, passé le petit moment d'émotion de me trouver LÀ à ce marathon, en vie et capable de courir. A propos, on traverse justement le site de l'hôpital de Belle-Idée et mon cœur se gonfle à la vue de personnes en chaise roulante. Dans le peloton, il y a aussi plusieurs joëlettes, emmenant des personnes handicapées sur ces 42,195 bornes. Pour avoir expérimenté la conduite de joëlette sur 20 km et en relais, je sais à quel point on termine avec des ampoules aux mains, des courbatures aux bras, le cœur explosé et des étoiles dans les yeux.

Une ambulance demande le passage. Autour de moi, beaucoup d'anglophones. Je crie donc: "Emergency, everybody on the right" et le peloton se déplace comme un seul homme, façon tortue romaine dans un album d'Astérix. L'ambulance nous remercie par haut-parleur, c'est classe: "Merci, bon marathon à tous!"

T'es sexy dans ta transpi


On emprunte une magnifique allée d'arbres, c'est splendide, toute cette verdure, émaillée du jaune des champs de colza. Ici un ruisseau, là un vignoble... Je découvre aussi le fantastique public genevois, les pancartes rigolotes comme "T'es sexy dans ta transpi", les encouragements des bénévoles, de la protection civile... Non seulement l'organisation est parfaite, mais en plus il y a un petit mot pour chacun.

Les kilomètres défilent régulièrement. Je fais attention à ne pas aller trop vite, je me freine constamment en jetant des coups d’œil à ma montre pour vérifier mon allure. La seule fois où je regarde mon temps en revanche, c'est au 10e km. J'en suis à 1h04'35'', c'est un peu rapide mais dans la cible. Au 14e km, je me rappelle que c'est là qu'avait commencé mon calvaire essuie-glacien lors de mon 2e marathon, à Annecy. Grâce au trail, je sais aussi que la douleur et les mauvaises sensations, ça va et ça vient, faut pas trop s'en inquiéter.

Le seul truc c'est que... c'est plat. Les gens ralentissent dans les faux-plats montants alors que pour moi c'est juste le moment où je peux un peu faire tourner les jambes différemment et que cela fait du bien. Pourtant j'étais sûre de m'y être bien habituée, au plat! L'autre chose c'est que mes kilos en trop amassés lors de ma pause forcée pèsent sur mes membres inférieurs (qu'est-ce que ce serait si je n'avais pas assidûment travaillé le gainage!). Bref, la campagne a beau être magnifique, tout ce plat, à force, ça m'emmerde. A vélo, ce serait génial. Mais en courant, c'est lassant.

Point météo


Heureusement, il y a la météo changeante. On s'attendait à partir sous des seaux d'eau, et on est parti sous une belle éclaircie. Les déplacements de nuages font jouer les lumières. Au loin, le Salève apparaît. Et disparaît, signe qu'on va recevoir quelque chose sur la figure d'ici peu. Ce n'est qu'une petite bruine rafraîchissante, pour moi ça passe bien, aux alentours du 15e.

Le fait de faire une boucle a aussi son inconvénient. La première fois que tu aperçois le vignoble en coteau et l'église de Choulex, tu es vers ton 5e kil, en plus les encouragements sont chaleureux dans le village, tu es sur ton petit nuage. La 2e fois que tu repasses par là, tu es à peu près au 26e kil et tu t'écrierais presque: "encore cette p... d'église!" (N'exagérons rien, mais c'est l'idée). Bon, je n'en suis pas encore là, mais j'ai un petit souci. On alterne les chemins en béton, cassants, ultradurs, et qui ne renvoient aucune énergie, et quelques bouts de terre battue avec cailloux et ornières qui font que je dois me concentrer à fond pour guider ma cheville dépourvue de ligaments.

Et j'ai les muscles qui durcissent, durcissent... Chaque retour sur une portion de route en bitume est un soulagement: enfin un revêtement souple qui renvoie de l'énergie (mais si!). Au semi, j'ai mal aux jambes comme jamais. Et on n'est qu'au semi! En général, j'ai moins mal aux guibolles quand j'accélère un peu. Vu qu'on est au semi et en légère descente, je me permets cette fantaisie et d'une moyenne de 9,3-9,5 km/h, je passe à 10 km/h. Advienne que pourra, cela me soulage quasi immédiatement. Mon souffle et mes battements de cœur me font savoir que cela ne leur pose aucun problème.

Des ravitos parfaits


Sur le parcours, je croise un collègue, on est aussi surpris l'un que l'autre de se voir. Et je profite des ravitos. Mention spéciale aux ravitos, si je refais un jour ce marathon, je sais que je n'ai pas besoin de prendre de ceinture. Parfaitement espacés, fournis, avec des bananes mûres et des bénévoles aux petits soins. Genève, sur les 7 marathons que j'ai couru, je te décerne la palme du ravitaillement, c'est vraiement hyper confortable. A Genève, tu peux courir les mains dans les poches (enfin, c'est une image), sans te soucier de quoi prendre avec toi.
La verte campagne genevoise (photo d'avril)

Hop, on passe le 30e. Cela recommence à tirer dans les guibolles. "Allez, on va jusqu'au 32e, il te restera 10 km et là tu sais que tu termines." Vers Vésenaz, il y a un tunnel en descente qui finit d'achever mes jambes. Et dire que j'en avais marre de la campagne: si j'avais su que c'était pour passer dans un tunnel, j'aurais arrêté de me plaindre. En même temps, quand tu sais que le tunnel débouche sur les rives du lac et qu'au loin tu apercevras le jet d'eau, tu sais que tu tiens le bon bout.

Et puis, il y a ce ravito vers le 34e, tant mieux, car mes jambes m'ont "définitivement" lâchée, je vais m'écrouler. Cette sensation de n'avoir plus du tout de force et que tes jambes t'abandonnent, je ne l'avais jamais vécue à ce point. Bravo, c'est votre 7e marathon et vous venez de découvrir le Mur, félicitations!

Dans ma tête, je sais quelque part que ça finit par passer. En théorie... Heureusement, il y a donc ce ravito et heureusement bis, j'ai pensé à un conseil de Raymond Corbaz avant mon 1er marathon: "Prends un sachet de boisson isotonique ou un truc avec du magnésium et bois-le vers le 30e". On est au 35e, ça doit aussi aller. Verre d'eau, magnésium, bout de banane. Je repars en marchant/titubant. Jusqu'à la prochaine poubelle, "après, tu cours." 

Passé le mur, ça va mieux mais c'est dur


Le temps de passer sur le métabolisme des graisses n'a dû être l'affaire que d'une poignée de minutes, 3-4 ou 4-5. Mais j'ai eu l'impression que ça durait une heure. J'ai un peu étiré les jambes, relacé ma chaussure pour donner davantage d'aise à mon peton gauche et c'est reparti, sur cette longue, large et monotone route de Cologny, déserte de spectateurs. "Allez, chaque pas de couru est un pas de gagné."

Depuis le mur, j'ai certes perdu de la vitesse, mais beaucoup moins que la sensation que j'en ai. J'ai l'impression de me traîner à 7 km/h alors qu'en réalité j'assure un correct 8,5 km/h. Enfin, quelques spectateurs. Cela tombe bien, ils sont déchaînés et leurs encouragements me reboostent. Il y a aussi eu le panneau d'entrée de localité estampillé Genève. On y est presque et il y a une belle ambiance.

Peu avant le 40e, mon Mr Escargot d'amour est là, hurlant des encouragements de toutes ses forces. Un bisou et il me tend une petite bouteille de coca dégazé (un truc à Raymond, aussi). Le coca ne passe pas hyperbien, mais ces 3 gorgées auront sûrement leur utilité, ne serait-ce que pour leur apport en sucre. 

C'est la marche des canards 

Encore une boucle. Une relayeuse me dépasse en m'encourageant. Je l'encourage aussi et elle me lance: "oh moi je suis en relai et il ne me reste plus que 2 kilomètres!" Moi aussi, que je lui dis. Elle est interloquée. Je précise: "moi aussi il ne me reste plus que 2 kil mais je suis pas en relai!" Eclats de rire. Demi-tour autour d'un cône et au loin on voit l'arche bleue de l'arrivée sur le pont du Mont-Blanc. Une arche indique "1 km". Punaise ce que j'ai mal aux jambes. Me voici au début du pont et... folette que je suis, je me lance dans un sprint ET LES JAMBES REPONDENT! 

Je termine en volant à 4:40'' au km et en laissant sur place deux finisher qui se demandent ce qui leur arrive. Note pour plus tard: j'avais donc de la réserve! Tu parles. Je passe l'arche d'arrivée, je fais quelques pas, je titube et... ooooh, l'escargote s'est métamorphosée en canard! Une bénévole me passe la médaille. Je fais encore quelques pas et tombe dans les bras de Mr Escargot. Je marcherai en canard tout le reste de la journée, c'est douloureux, mais on est mort de rire.

Au final, ce sera 4 heures 33 et des poussière. Inutile de dire que c'est inespéré. J'ai donné le meilleur de moi-même, je suis allée le chercher ce marathon. Maintenant, place à la récupération. Mais quelle idée, je vous dis, de se lancer des défis pareils!

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